Le Grand Moulin a été inauguré le 30 mai en présence de nombreuses personalités.
Jean-Pierre Morteveille a brossé l'histoire de cette longue rénovation:
Monsieur le Préfet,
Messieurs les Députés, Monsieur le Vice-Président du Conseil Régional,
Mesdames et Messieurs les Conseillers régionaux, généraux, communautaires et municipaux,
Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames, Messieurs, Mécènes, Donateurs, Entrepreneurs, Artisans et Bénévoles,
C'est aujourd'hui un grand jour dans la longue histoire du Grand Moulin de Sainte-Suzanne.
Un mot d'Histoire d'abord.
Sur les 43 moulins à eau qui tiraient autrefois leur énergie mécanique de la rivière l'Erve, près de la moitié se trouvait ici au pied du château, sur une distance de 2 km seulement.
Moulin banal construit par les Vicomtes du Maine au XIe siècle, ce bâtiment est aussi ancien que le donjon et fait partie de l'Histoire de notre territoire. Le mécanisme tout en bois d'autrefois a été modifié, et le moulin s'est trouvé plusieurs fois agrandi, notamment au XVe siècle. Son agencement actuel date de 1854.
C'est parce qu'il possédait 3 paires de meules qu'il prit le nom de « Grand-Moulin ».
4 chemins conduisaient ici ; C'était un lieu de vie et de rencontre, un lieu essentiel à l'alimentation des habitants qui apportaient leur grain, remportaient leur farine... et colportaient ici, comme aux lavoirs, tous les ragots du village.
Mais ce fut aussi un lieu de détente et de fête, puisqu'en 1935 le Conseil municipal, après avoir créé le Syndicat d'Initiatives, décida de transformer le bassin de refoul en piscine, l'une des premières en Mayenne.
A l'époque les vaches venaient s'abreuver dans le petit bain, mais cela n'empêcha pas l'équipe de France de natation elle-même de venir s'entraîner ici plusieurs fois pendant la guerre, avec à sa tête Jean Taris, vice-champion olympique, qui organisa lui-même ici la fête de la Piscine. Ces fêtes populaires mémorables durèrent ensuite jusqu'à la fin des années 1970.
Nous possédons de nombreux témoignages de la vie au Grand Moulin grâce à ses propriétaires successifs au XXe siècle : la famille d'Auguste Bouttier, les Éclaireurs de France, et la famille Oury qui acquit et rénova ces lieux sans les dénaturer. Leurs représentants sont là aujourd'hui et je les salue chaleureusement.
En 1992 Gérard Morteveille, alors Président de l'Association des Amis de Sainte-Suzanne, - qui fut aussi mon instituteur en sus de sa qualité de frère -, eut l'idée de retracer la vie le long de l'Erve en créant la Promenade des Moulins, qui existe toujours chaque premier dimanche du mois, et accueille un nombre croissant de visiteurs.
• En 1997, le Conseil général et le Syndicat à vocation économique et touristique des Coëvrons lancèrent conjointement une étude sur un projet global pour Sainte-Suzanne et sa région, menée par le Cabinet « Prospectives et Patrimoine ». Lors de la réunion publique de restitution de l'étude, et partant du constat que la commune, qui possédait alors le château depuis 17 ans, ne pourrait jamais assumer seule une véritable Renaissance du site, Jean Arthuis dessina le projet qu'il avait en tête pour valoriser la Mayenne tout entière :
« Sainte-Suzanne symbolise le charme de la Mayenne... Il faut que l'on choisisse en Mayenne, à l'heure de la mondialisation et d'Internet, quelques sites privilégiés qui soient l'Identité de la Mayenne. On propose que Sainte-Suzanne devienne la vitrine du Patrimoine local. Les autres sites majeurs seront Mayenne, Jublains, Évron et Saulges ».
Parallèlement à l'acquisition du château réalisée par le Conseil général fin 1998, vint l'idée aux Amis de Sainte-Suzanne de présenter dans un vieux moulin, si l'un d'eux se trouvait à vendre, l'histoire industrielle du lieu, avec ses moulins à grains, à papier, à foulon, à tabac, ses tanneries et la vie des quelque 300 ouvriers qui travaillaient ici le long de l'Erve.
Mme Oury propriétaire du moulin ayant eu connaissance de ce projet donna à l'Association l'exclusivité d'une promesse de vente pour deux ans, le temps pour l'Association de parvenir à réunir les fonds pour acheter le moulin, mis en vente pour 600 000 F, soit 91 500 € d'aujourd'hui.
Le Conseil d'Administration des Amis de Sainte-Suzanne l'accepta et contracta un prêt à hauteur du tiers du prix, soit 30 000 € ; M. Marc BERNIER alors Député, Conseiller général et Président du District d'Erve et Charnie, proposa le projet au Conseil districal qui accepta aussi de prendre 1/3 à sa charge ; enfin le Maire de Sainte-Suzanne décida le Conseil municipal d'apporter le dernier tiers restant. Le moulin fut ainsi acheté en décembre 2000 et mis à disposition de la Communauté de communes d'Erve et Charnie nouvellement créée.
• En 2005, M. Bernier planche devant le jury du Ministère de la Culture pour obtenir pour notre territoire le label Pays d'Art et d'Histoire Coëvrons-Mayenne. Le jury, tout en nous accordant ce label à l'unanimité, demande que soient établis d'une part un CIAP, d'autre part un lieu retraçant aussi le patrimoine industriel du territoire. Chose promise, chose réalisée aujourd'hui : la roue actionne deux moulins, le moulin à blé et un moulin à papier A noter que le fonctionnement du PAH est financé pour moitié par le Conseil général, un quart par la Communauté de communes du Pays de Mayenne et un quart par celle des Coëvrons.
• Les premières phases de travaux sont engagées par la Communauté de communes d'Erve et Charnie en 2005 pour restaurer l'ancienne étable, puis en 2011 pour l'ancienne écurie, afin d'y accueillir les Ateliers pédagogiques qui sont organisés ici depuis plusieurs dizaines d'années par les Amis de Sainte-Suzanne et accueillent des milliers d'enfants de la région.
• Dès 2007, les bénévoles, dont une partie du Conseil municipal actuel, se mettent à l'œuvre sur le bâtiment principal, tous les murs intérieurs sont piquetés.
• L'Association travaille parallèlement durant plusieurs années avec des professeurs du Lycée Réaumur de Laval, qui font de la production d'électricité grâce à la force motrice de l'eau un sujet d'étude et de travaux pratiques pour leurs élèves. Ce système, élaboré tout au long de l'année scolaire 2013-2014, sera monté début juin dans la bluterie par les élèves, sous la conduite de leurs professeurs de technologie.
Ainsi, grâce à tous ces efforts conjugués, le Grand Moulin devient-il aujourd'hui le seul moulin de France qui, grâce à l'action de sa roue, remplit trois fonctions : fabriquer de la farine, du papier et de l'électricité.
• En 2008, le Conseil municipal n'est pas en reste et met à son programme la réhabilitation des pentes nord de la forteresse, ce qui aboutit à la sécurisation des sentiers, à la reconstruction des murs, à la création d'un jardin médiéval à mi-pente régulièrement entretenu par les bénévoles, et à une signalétique adaptée permettant aux visiteurs de relier enfin la cité médiévale aux hameaux de la Rivière. On propose désormais deux promenades complémentaires et connectées, celle de la Poterne et celle des Moulins séparées par un dénivelé de 70 m de haut.
• La Commission Qualité des Plus beaux Villages de France, en classant Sainte-Suzanne en 2010 du premier coup et sans réserves, ne s'y trompe pas et nous encourage à faire de l'ensemble du site, et pas seulement la cité médiévale, un lieu d'exception de renommée nationale. La Commune continue ainsi chaque année son effort d'embellissement, en 2014 par exemple avec l'appui des Petites Cités de caractère en procédant à l'enfouissement des réseaux au Grand-Moulin et au Pont-Neuf, et en y installant un éclairage public économe et innovant.
• Mais avant tout cela, pour le moulin, un problème essentiel devait être levé : la commune avait construit un plan d'eau en 1972, rehaussant le niveau d'eau d'1m 90 et empêchant la roue du moulin de tourner.
• Le Syndicat de Bassin de l'Erve, pour respecter les directives européennes sur le retour à un bon état écologique des rivières, entreprend une étude qui, après enquête publique, aboutit en 2010, après réobtention du droit d'eau, à la suppression des 2 barrages artificiels à clapets qui stockaient les boues en amont et empêchaient les poissons de remonter le cours de la rivière. Les tonnes de boues accumulées finissaient par atteindre la surface, et chacun savait en Mayenne qu'ici les canards ne pouvaient plus nager, ils marchaient sur l'eau... Les difficultés techniques et le coût d'évacuation de ces boues rendaient le problème insoluble.
• Ce projet difficile mais réussi, monté en accord avec les services de la Préfecture et la DREAL, a reçu en 2011 le Trophée de l'eau attribué par l'Agence de l'eau Loire Bretagne. Que les élus et techniciens de l'État et du Syndicat soient ici remerciés pour la qualité de ces travaux, réalisés ici pour gommer les erreurs du passé à travers ce projet exemplaire, financièrement partagé entre le Syndicat, la Commune de Sainte-Suzanne (pour la suppression du plan d'eau et la nouvelle amenée d'eau au moulin voisin du Pont-neuf), et la Communauté de communes (pour le rétablissement de l'amenée d'eau au Grand-moulin).
• Pendant ce temps la Communauté de communes monte le plan de financement de la dernière phase des travaux, avec la recherche des subventions et aides publiques et privées. Les travaux eux-mêmes commencent au printemps 2013.
• Et nous voici ensemble aujourd'hui, tous acteurs, pour une part, de ce qui s'est réalisé.
Je tiens maintenant à remercier tous ceux qui ont contribué à ce projet dont le coût global, toutes phases confondues entre 2005 et 2014, a représenté 1 146 000 € TTC :
L'Europe tout d'abord ; le FEDER a contribué de manière importante compte tenu de l'intérêt du projet, sous l'angle patrimonial, culturel et environnemental, pour 190 000 €,
L'État ensuite, pour 137 000 € de dotation de développement rural et 13 600€ de dotation d'équipement des territoires ruraux ; je remercie aussi les Commissions départementales de Sécurité et d'Accessibilité qui ont validé les conditions techniques du projet, malgré les difficultés concrètes inhérentes à la bonne application des normes dans un bâtiment aussi spécifique et ancien,
La Région des Pays de la Loire, pour 132 000 € inscrits au Contrat Territorial unique et 47 000 € pour la restauration de patrimoine industriel; Signalons les procédés originaux d'isolation à base de terre et de chanvre, ou la réalisation de sols en terre. Nous avons choisi le parti d'une évocation sobre et simple de ce qu'était l'intérieur d'un moulin autrefois. Je remercie notamment Jean-Pierre Le Scornet qui s'est spontanément intéressé au projet, en venant de lui-même et dès l'origine sur place ; mais aussi M. Clergeau Vice-président et plusieurs autres Conseillers régionaux qui étaient présents ici il y a quelques mois pour une visite du chantier consécutive à la signature du Nouveau Contrat Régional ; Merci pour l'intérêt que le Conseil Régional a apporté à ce projet,
Notre ancien Député et Conseiller général du Canton, Marc Bernier, qui consacra 10 000 € de sa réserve parlementaire à ce projet dont il fut doublement l'initiateur, comme président du district/communauté de communes et comme porteur du projet Pays d'Art et d'Histoire Coëvrons-Mayenne,
Le Département de la Mayenne enfin, pour un apport de 6 000 € du Conseil général.
Le FCTVA représente une recette de 175 000 €, et le solde, 384 000 €, a été pris en charge par la Communauté de communes des Coëvrons, soit 34% du coût total TTC. Sur l'ensemble d'un chantier aussi spécifique, les plus-values au final n'ont représenté que 2% de l'enveloppe initiale.
• Des mécènes privés ont aussi apporté leur concours :
- Le Crédit agricole, pour 20 000 €, qui ont été principalement orientés vers la Muséographie,
- Des Donateurs rassemblés et abondés par la Fondation du patrimoine,
- L'imprimerie Jouve de Mayenne qui a accepté de mettre en dépôt gratuitement les presses et le matériel d'imprimerie ancien jusqu'ici exposées dans leurs ateliers,
- M. Beauvois de La Ferté-sous-Jouarre pour les outils et documents sur la fabrication des meules,
- Je rangerai aussi dans cette catégorie la Ville de Laval qui met en dépôt depuis de nombreuses années au Musée de l'Auditoire le bois sculpté du XVIIIe siècle originaire de Ste-Suzanne permettant de fabriquer des cartes à jouer ;
- Et le Musée archéologique départemental qui nous a prêté deux des meules gauloises trouvées par Anne Bocquet lors des fouilles au château de Sainte-Suzanne en 2006.
Tous les autres objets que vous pouvez voir exposés, proviennent de dons et il m'est impossible de lister maintenant les dizaines de personnes qui ont ainsi participé à ce projet, notamment tous les bénévoles dont le travail depuis 2007 a représenté une économie évaluée à 80 000 €.
Après un silence de 77 ans, le Grand Moulin entre aujourd'hui dans une nouvelle phase de son utilité économique, touristique et culturelle pour les Coëvrons.
Je tiens à remercier pour finir :
- l'Association des Amis de Sainte-Suzanne, ses membres cotisants, ses administrateurs, ses bénévoles et son personnel,
- l'Architecte, Pierre Sourty, et toutes les entreprises investies dans le chantier, en particulier Thierry Croix, charpentier amoulageur, qui symbolise à lui seul le travail et le savoir-faire des Artisans,
- Philippe Auphan, Xavier Seigneuret et le Syndicat de Bassin de l'Erve, Maurice Galisson et le Syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Mayenne (SDEGM),
- Michel Moussay, Guy Besnier, Claude Rouillard, Patrick Chartier, Gilles Champion, Martine Bourny, Isabelle Glinche et le personnel des services administratifs et techniques de la Communauté de communes d'Erve et Charnie, puis de la Communauté de communes des Coëvrons, ainsi que son Chantier d'Insertion, Céline Lerouge du service Communication,
- Le personnel du service Culture et Patrimoine et en particulier Anthony Robert,
- Roland Gaillard et le personnel municipal de Sainte-Suzanne,
Et, parmi les très nombreux bénévoles qui ont donné des milliers d’heures de leur temps, de leur passion, de leur travail et de leur énergie enthousiaste,
Un Merci particulier à Gérard Morteveille,
qui fut l’initiateur exigeant, le pédagogue talentueux, et l’infatigable acteur bénévole de ce bel et ambitieux projet de territoire.